vendredi, avril 19, 2024

Safiétou Diop, présidente du Réseau Siggil Jigéen « avec peu de ressources nous avons obtenus beaucoup de résultats »

Dans cet entretien,  Safiétou Diop, présidente du Réseau Siggil Jigéen revient sur la conférence du Caire en 1994, le bilan du Sénégal 25 ans après ladite rencontre, et le prochain sommet qui se tiendra  du 12 au 14 novembre à Nairobi au (Kenya).

Elle répondait à nos questions lors  d’un atelier de consultation sous-régionale sur la conférence internationale sur la population et le développement (ICPD, en anglais) dont l’ambition est de mettre la femme et la fille au cœur des objectifs durables (ODD).

Pouvez-vous revenir sur l’importance de  la Conférence internationale sur la population et le développement (ICPD) de 1994 ?

La conférence du Caire en 1994 était la rencontre mondiale la plus importante dans les 20 dernières années pour l’humanité, la première fois que la communauté internationale a voulu mettre  au-devant de la scène la question de l’égalité et l’autonomisation des femmes ainsi que la participation de la jeunesse au développement.

Elle a reconnu que les femmes et les jeunes sont des acteurs importants, des acteurs qui doivent rentrer dans la dynamique.  C’est après cette conférence que nous avons eu la plateforme de Beijing en 1995 qui parlait systématiquement du droit des femmes et de l’approche genre pour le développement à travers les 12 domaines de la plateforme.

La plateforme du Caire est la plateforme précurseur du développement mondiale harmonisé en ce qui concerne les questions de populations , en relation avec l’économie et le développement durable mais aussi en relation avec la justice , l’équité et les droits fondamentaux de la personne humaine.

C’était un déclic dans le cadre de l’amélioration des relations au plan mondial et de l’amélioration des droits des femmes particulièrement pour l’Afrique.

Quel bilan peut – on retenir 25 ans après cette conférence au niveau du Sénégal ?

Nous sommes revenus de cette plateforme 25 ans après,  et les pays ont élaboré leur politique de population autour de cette dynamique.  Au Sénégal, il y’a eu beaucoup d’évolution, nous avons eu une politique qui a pris en charge la question de la santé de la reproduction.

En 2012, l’Etat du Sénégal s’est engagé à renforcer sa politique, les moyens budgétaires pour atteindre un taux de 45% de prévalence de contraceptive dans le pays et aussi à renforcer la qualité des services par la formation, le recrutement du personnel par le développement de plateaux techniques pour que la santé des jeunes et des femmes puissent être prise en compte.

La société civile également n’a pas chômé parce que depuis 1995 nous avons développé énormément de plans et de programmes. Au niveau du réseau Siggil Jigeen, on n’a accès notre vision autour de trois axes stratégiques qui renvoient au plan d’actions du Caire

Le premier axe est centré sur l’intégrité physique et morale des femmes : nous avions voulu développer des politiques de lutte contre toutes les formes de violences (physique, morale, économique …)  autour de cet axe, ce qui nous a valu beaucoup de succès en matière de canalisation des violences.

Nous en sommes à l’heure du bilan à la préoccupation criminalisation du viol parce qu’en 2019 nous avons constaté une recrudescence des viols suivis de meurtres, beaucoup de femmes perdent la vie à causes des viols, violences…

Le deuxième axe concerne les lois : Nous avons voulu travailler sur l’axe des lois  parce que les Etats ont signé beaucoup de conventions.  Il y’a une question de domestication, de ces instruments internationaux dans les lois internes et leurs applications surtout dans les Etats de la sous-région ouest africain.

Il existe un problème de vide juridique même s’il y’a une loi, il y’a un problème d’application ou absence de décret d’application, si ce sont des lois avec des décrets d’application dans le cadre de sa mise en oeuvre avec la justice, il y’a des failles car aucun procès ne prend en charge les droits des femmes de façon sérieuse et n’applique la loi qu’avec des peines conséquentes.

 Il reste beaucoup de défis à relever concernant l’application des lois juridiques et nous savons aussi que la question du pouvoir des femmes est une question nodale de ceux qui décident d’élaborer les lois et de les voter, ceux qui décident de mettre en place des programmes et de leurs mise en oeuvre, ce sont les autorités, les décideurs et à 90% les femmes ne sont pas sur la table de décision.

 Le troisième axe s’articule sur le pouvoir des femmes : nous voulons que les femmes soient représentées au niveau de  la table de décision pour que nous puisons nous même analyser notre sort, décider pour améliorer notre statut mais aussi améliorer la participation de cette écrasante majorité au développement.

Où est-ce que vous tirez les ressources financières pour mener vos activités ?

Justement,  c’est là où j’en viens avec les critiques de la presse concernant les sources de financement avec les organisations.

Parce que nous sommes des ONG féminines et féministes qu’ils ont remis la question du financement des ONG sur la table , mais nous savons que depuis la nuit des temps précisément dans les années 80 , la société civile , les ONG embrassent beaucoup de financement pour le développement , et d’ailleurs on disait que la communauté des ONG apporte presque plus de 20%  dans le cadre de la mobilisation des ressources par année pour le financement du développement  au Sénégal et personne n’a cherché à savoir d’où les ONG tirent leurs ressources .

 Mais comme nous sommes des femmes, il a fallu qu’on lève le plus petit doigt pour faire entendre nos voix que la presse saute sur l’occasion pour dire, « où est ce qu’elles tirent leurs financement ?».

 La vérité est que nous tirons nos financements du partenariat parce qu’au Caire les parties prenantes se sont engagées ainsi que les Etats à traduire la plateforme en politiques et programmes, les partenaires techniques et financiers se sont également engagés à mobiliser des ressources pour les Etats et pour la société civile.

 C’est dans le cadre de cet engagement des parties prenantes que nous tirons les moyens de notre travail et à l’état actuel quand nous avons analysé les engagements au plan mondial par rapport à l’effectivité de ses engagements, nous pouvons dire que si c’était à 100% les ONG féminines et féministes n’ont pas véritablement mobilisés plus de 20% de ces engagements.

Le réseau siggil Jiggen depuis 2005 a travaillé sur plus de 1111 points de prestation de santé à travers le pays dans plus de 800 localités avec de maigres ressources. Nous allons vers les communautés pour les encadrer, les préparer, faire le plaidoyer,  réveiller les consciences et amener les décideurs à financer le développement, amener les communautés à comprendre leurs droits.

Nous avons peu de ressources mais nous avons obtenus beaucoup de résultats en matière de sensibilisation, d’enrôlement des populations pour l’éveil des consciences et la reconnaissance de leurs droits pour qu’elles puissent jouir des services offerts par l’Etat et par les ONG.

Pouvez-vous revenir sur quelques points   que vous comptez mettre en exergue à la prochaine conférence qui va se tenir bientôt à Nairobi (Kenya)  pour obtenir plus de résultats ?

Nous avons pensé à cinq points parmi lesquels :

– L’autonomisation des femmes : sur ce point,  l’Etat du Sénégal a mis sa place sa Stratégie nationale d’autonomisation économique des femmes et des jeunes en septembre dernier  mieux vaut tard que jamais, là nous avons  au moins une stratégie sur la base de laquelle nous pouvons bâtir des plans et des programmes. Il y’a également l’autonomisation des jeunes parce qu’il faut qu’ils prennent conscience de leurs droit mais il faut aussi qu’on créé les conditions de leurs autonomisation. Il faut que les jeunes accèdent au service de santé, aux produits pour se protéger et avoir les moyens de gérer leur propre santé de la reproduction.

-Le partenariat : sans le partenariat nous ne pouvons pas avancer, il faut bâtir des partenariats très forts car nous avons des ressources limités.  C’est avec la coopération avec les autres que nous tirons un peu de ressources mais le partenariat n’est pas seulement financier. Nous voulons développer des synergies entre les jeunes et les femmes, les collectivités territoriales et les communautés, la société civile et les Etats.

– Le financement : il s’agit de  la mobilisation des ressources sur ce point le monde sera à Nairobi, certes nous allons discuter de l’ensemble des cinq thématiques principales mais il  va falloir que la communauté s’engage à financer la plateforme du Caire parce que 25 ans après nous restons avec des défis énormes à cause du déficit de moyens financiers.

Qu’est-ce que le Sénégal compte proposer concrètement à Nairobi 

Pour la prochaine rencontre  de Nairobi, nous avons travaillé avec le gouvernement et élaborer le rapport national que nous avons validé et préparé ensemble les engagements de l’Etat du Sénégal, mais cela ne nous empêche pas de nous réunir pour discuter de nos propres défis sur la question de la jeunesse et des femmes.

Nous allons partager sur notre petite expérience avec d’autres communautés, des sociétés civiles, des Etats de la sous régions. Il s’agira aussi de mettre l’accent sur la nécessité pour la communauté internationale de veiller à la prise en charge de la santé de la reproduction des jeunes,  la nécessité de mobiliser des ressources.

En résumé,  nous allons accentuer nos plaidoyers sur ses aspects (la mobilisation des ressources interne, le financement de la santé par nos propres ressources et la coopération entre gouvernement et société civile …)

Propos recueillis par : Ndeye Maguette Kebe

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